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Poésies

Vous pouvez adresser vos poèmes personnels ou ceux que vous préfèrez. La poésie a toujours été l'arme de destruction massive contre toute dictature, tout abaissement de l'Homme.

Le Vide : Yves Delathouwer

Toujours l'Homme....Michel Piquemal

Ce qui me retient : . ..Ahmed. 13 ans.

Fessade : Artal suivi de fessée de Baboune

Un être qui tombe de Marielle J.

La vie c'est comme une dent : Boris Vian

Enivrez vous: Charles Baudelaire

Pourquoi je vis : Boris Vian

ELLE N'EST PAS MORTE : Poème en l'honneur des Communards composé par Eugène POTTIER en 1886

À peine ivre (Jean de Boschère)

Il faut, voyez-vous, nous pardonner les choses...Paul Verlaine

La grasse matinée : Jacques Prévert

Tard dans la vie : Pierre Reverdy

Pour retrouver le monde et l'amour : Gaston Miron

Si..... Rudyard Kipling

Pour se prendre au piège : Paul Eluard

Demain : Robert DESNOS

La galère : Louis Duchaussal (19ème S)

L'amour d'Adélaïde Dufresnoy (18ème S)

Le dilemme de Jean Tardieu

Credo de Lucien Jacques

La vie profonde Anna de Noailles

CRIER Paul Eluard

L'Avare qui a perdu son trésor Jean de la Fontaine

J'aime l'araignée : Victor Hugo

Sur la lyre tissant mes douces mélodies : Zoé Fleurentin

Le grand combat : Henri Michaux

Le nid : Félicie-Marie-Emilie D'Ayzac

Gueux : Gaston Coutet

J'arrive où je suis étranger : Louis Aragon

Hymne à la beauté : Charles Baudelaire

La nécessité : Paul Eluard

 

 

Le vide


Le vide s'installe
Dans l'espace.
Il y impose
Son existence.
Il s'empare du noir,
Il dévore la lumière.
C'est une histoire
Dépassée par le temps.
La matière se leurre,
Dans sa simplicité,
Le plein se vide
De sa substance.
Le vide se ressource
Dans la matière
Qui s'éteint
A sa lumière...

Yves Delathouwer

 

Toujours l'Homme....Michel Piquemal

Toujours l'Homme se dresse pour refuser l'insoutenable. Et les mots jaillissent de sa bouche, durs et beaux comme des cris. La colère se fait chant, la révolte se fait verbe... Et c'est Rimbaud, Maïakovski, Artaud, Jules Vallès ou Walt Whitman, prêtant leur souffle à cet éternel refus d'accepter un monde inhumain. Que serait un homme sans cette petite lumière, que serait-il sans cette conscience, cette saine fureur qui lui fait redresser la tête, dire non, même au péril de sa vie?... dût-il être banni comme Hugo, condamné à mort comme Vallès ou périr comme Giordano Bruno !

La vie et le monde s'acharnent à nous rogner les ailes, mais c'est notre devoir absolu de nous efforcer en retour de les étendre, le plus large possible. Je dis non, je refuse, j'accuse, je mets en doute.. je me révolte donc je suis.

Mais aujourd'hui, qu'en est-il de la révolte, dans un Occident qui semble s'essouffler, gagné par la lassitude, dépassé par l'ampleur de ses problèmes ? La révolte aurait-elle sombré, emportée par la grande vague de la fin des idéologies ? Ne nous y fions pas car la belle est coriace. On n'a pas sa peau aussi facilement. Toujours la révolte couve, au sein de la jeunesse dont elle reste éternellement la fiancée de cœur. Pareille au Phénix, elle renaît de ses cendres pour échauffer le sang des jeunes générations. C'est donc aux adolescents que sont dédiées avant tout ces Paroles de Révolte car, selon la formule d'Alain, «l'individu qui pense contre la société qui dort, voilà l'histoire éternelle, et le printemps aura toujours le même hiver à vaincre ».

Michel Piquemal

Ce qui me retient : . ..Ahmed. 13 ans.
C‘est toute une histoire :
Quand je rôde sur les trottoirs,
Je pense retourner un jour
Au pays, lui dire bonjour.
Là-bas, j’ai une famille qui m’attend
Et voudrait me voir quelque temps.
Je prendrai les itinéraires impérissables
Et je marcherai sur le sable
De la nouvelle plage écumeuse
Quand le vent souffle très fort
Et quand les vagues de la mer s’agitent.
Je vais rentrer aussi vite
Que je peux, voir le port
De la ville fleurie et déserte.
Je voudrais bien retourner là-bas
Un jour d’été ensoleillé.

 

 

Fessade : Artal suivi de fessée de Baboune

Le musagete n'en faisait qu'à sa tête
Sa féemuse devait se plier en requêtes
Mais celle-ci était convaincue du contraire
Car lui, le puissant était conçu d'ordinaire.

Elle alla papillonner ça et là, joyeuse
Sans prendre garde au contrat, malheureuse
Qu'a t-elle fait là, la déesse du bon choix
Surseoir une fois celà, aux ordres de son roi.

Toi la fille de mon sérail aux cheveux d'or
Avoir contrevenu pour ripaille, encore
Tu mérites une bonne fessée, justifiée
Prépare tes fesses aimée, déculottées.

Quand l'ange se met en colère tremble fille
Dès lors tu seras ma sorcière, gentille
Sinon gare aussi à la fessade, j'en use
Le musagete aime trop sa dryade Fémuse


Artal (nov 05)

 

La fessée de Baboune

Apres le mal que je te fais
Tu devrais me punir
Me donner une bonne fessée
Pour que j'en garde un souvenir

Je suis mesquine et egoiste
Je ne merite pas tous tes poemes
Tu es un éternel artiste
Pour tous ces gens qui t'aiment

Florine sera d'accord avec moi
Qu'y a t il de plus beau que ta compagnie
Tu restes ancré en elle comme en moi
On se refugie pres de toi de peur de tomber dans l'oubli

Mais quand l'ange se met en colere
Toute la terre tremble , lui aussi
Tel Poseidon , il déclenche une tempete en mer
Pour que je comprenne , je suis tout pour lui

L'ange endormi s'est reposé,
Esperant un changement de comportement de sa muse
Il attend impatient son baiser
Affirmant que même sa fessée, l'amuse

Baboune (nov 05)

 

 

Un être qui tombe de Marielle J.

Un être qui tombe
Qui sait sous quel fardeau la pauvre âme succombe
qui sait combien de jours sa douleur a combattu
quand le vent du malheur le laissait éperdu
Qui de nous n'a pas vu de ces êtres brisés
se cramponner longtemps de leurs mains épuisées
comme au bout d'une branche on voit étinceler
une goutte de pluie où le ciel vient briller
qu'on secoue avec l'arbre et qui tremble et qui lutte
perle avant de tomber et fange après sa chute
Pour que la goutte d'eau sorte de la poussière
et redevienne perle en sa splendeur première
il suffit, c'est ainsi que tout remonte au jour
d'un rayon de soleil ou d'un rayon d'amour

 

 

La vie c'est comme une dent : Boris Vian

La vie, c'est comme une dent
D'abord on y a pas pensé
On s'est contenté de mâcher
Et puis ça se gâte soudain
Ça vous fait mal, et on y tient
Et on la soigne et les soucis
Et pour qu'on soit vraiment guéri
Il faut vous l'arracher, la vie

Boris Vian

 

 

 

Enivrez vous: Charles Baudelaire

Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre,il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise, Mais enivrez-vous, Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé , dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est; et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront : "Il est l'heure de s'enivrer! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous; Enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise."

Charles Baudelaire

 

Pourquoi je vis : Boris Vian

Pourquoi que je vis
Pourquoi que je vis
Pour la jambe jaune
D'une femme blonde
Appuyée au mur
Sous le plein soleil
Pour la voile ronde
D'un pointu du port
Pour l'ombre des stores
Le café glacé
Qu'on boit dans un tube
Pour toucher le sable
Voir le fond de l'eau
Qui devient si bleu
Qui descend si bas
Avec les poissons
Les calmes poissons
Ils paissent le fond
Volent au-dessus
Des algues cheveux
Comme zoizeaux lents
Comme zoizeaux bleus
Pourquoi que je vis
Parce que c'est joli

Boris Vian

 

ELLE N'EST PAS MORTE :

I. On l'a tuée à coups de chass'pots,
A coups de mitrailleuses,
Et roulée avec son drapeau
Dans la terre argileuse.
Et la tourbe des bourreaux gras
Se croyait la plus forte.

Tout ça n'empêch' pas, Nicolas,
Qu'la Commune n'est pas morte !

II. Comme faucheurs rasant un pré,
Comme on abat des pommes,
Les Versaillais ont massacré
Pour le moins cent mille hommes.
Et les cent mille assasinats
Voyez c'que ça rapporte.

Tout ça n'empêch' pas, Nicolas,
Qu'la Commune n'est pas morte !

III. On a bien fusillé Varlin,
Flourens, Duval, Millière,
Ferré, Rigault, Toni Moilin,
Gavé le cimetière.
On croyait lui couper les bras
Et lui vider l'aorte.

Tout ça n'empêch' pas, Nicolas,
Qu'la Commune n'est pas morte !

IV. Ils ont fait acte de bandits
Comptant sur le silence,
Ach'vé les blessés dans leurs lits,
Dans leurs lits d'ambulance.
Et le sang inondant les draps
Ruisselait sous la porte.

Tout ça n'empêch' pas, Nicolas,
Qu'la Commune n'est pas morte !

V. Les journalistes policiers
Marchands de calomnies,
Ont répandu sur nos charniers
Leurs flots d'ignominie.
Les Maxim' Ducamps, les Dumas,
Ont vomi leur eau-forte.

Tout ça n'empêch' pas, Nicolas,
Qu'la Commune n'est pas morte !

VI. C'est la hache de Damoclès
Qui plane sur leurs têtes.
A l'enterrement de Vallès
Ils en étaient tout bêtes.
Fait qu'on était un fier tas
A lui servir d'escorte !

Ce qui prouve en tout cas, Nicolas,
Qu'la Commune n'est pas morte !

VII. Bref, tout ça prouve aux combattants
Qu'Marianne a la peau brune,
Du chien dans l'ventre, et qu'il est temps
D'crier "Vive la Commune !"
Et ça prouve à tous les Judas
Qu'si ça marche de la sorte,
Ils sentiront dans peu, nom de dieu !
Qu'la Commune n'est pas morte !

À peine ivre (Jean de Boschère - Héritiers de l'abîme)

Les mains sur le dos
à peine ivre
mieux délivré que l'ivrogne véritable
je ris !
Démoralisation sacrée,
démoralisation, sens ici du mot aigu,
point de mélodies déchues, vaines,
démoralisation sacrée !

Ce n'est point avec des roses
et une traîne de paon bleu
ni avec du genièvre, des cocktails
ni avec la cocaïne, une aile de papillon
ni avec des mots en peuples de rythmes
ni avec une épée ou un poignard
que nous montons vers cette coupe
étalée dans nos coeurs déserts,
- je dis nous avec dans moi ce ganglion chronique d'illusion -,
nous montons avec des haches et des barres de fer.

Plus de nouveaux quartiers
nos dégoûts cessent de les donner
aujourd'hui plus de pardons
le vide bondit, la tempête crève devant l'inondation.
Tout crève
la cataracte balaie les forêts des mondes,
pulvériser l'ordre, cet ordre-ci,
renverser l'ordre des séries, des hiérarchies,
plus de vifs amputés aux couteaux des morts
plus de chants patriarcaux
les pères poussés au bûcher
leurs fils y versent les huiles.
Les mains sur le dos
à peine ivre
je ris
démoralisation sacrée.
Point de bibles printanières de crimes
mais chaque jour se révolte contre la prescription de la veille.

La poésie n'a pas de frondaisons dans les jours mortels
le bras du verbe s'étend comme la béguine supplie
à travers l'éternité, ni marbre ni diamant,
poulpe ténébreux,
à travers le cyclone des signes mouvants,
matrices négatrices empoisonnées des lois,
fleurs, parfums, oiseaux, poissons, hommes, coquilles
crabe, anémone, étoile
voyageant dans les formes.

Le son d'un mot n'est point sa chair.
Le saltimbanque au balancier n'est pas poète,
mais plus arbitraire que la division du cadran d'heures
plus Sorbonne que le système décimal.
Les jours où il n'y a pas à hurler
il faut faire silence
ou murmurer dans les anthologies
ou croasser aux théâtres
devant mille monstres bêtes.

Les mains sur le dos
à peine ivre.
Et dans le vide germent trois grains de cristal
les colonnes montent dans le désert qui n'est pas l'ordre.
Les poètes sont exterminés avec leur Champagne
leurs ailes suaves que lèchent les femmes.

Sur les colonnes qui montent, la coupe vide,
hissé là, océan sans écume sans limite
un nouveau désert sur nos coeurs déserts.
Nous attendons, nous, moi
avec la hache et l'assomoir d'acier
écrasons les uniformes des pères d'hier
de demain
plus de chefs noirs, blancs, jaunes, rouges
démoralisation sacrée.

Jean de Boschère - Héritiers de l'abîme

Il faut, voyez-vous, nous pardonner les choses...

De la douceur, de la douceur, de la douceur.

Il faut, voyez-vous, nous pardonner les choses :
De cette façon nous serons bien heureuses
Et si notre vie a des instants moroses,
Du moins nous serons, n'est-ce pas ? deux pleureuses.

Ô que nous mêlions, âmes soeurs que nous sommes,
A nos voeux confus la douceur puérile
De cheminer loin des femmes et des hommes,
Dans le frais oubli de ce qui nous exile !

Soyons deux enfants, soyons deux jeunes filles
Éprises de rien et de tout étonnées
Qui s'en vont pâlir sous les chastes charmilles
Sans même savoir qu'elles sont pardonnées.

Paul Verlaine (Romances sans paroles)

La grasse matinée : Jacques Prévert

Il est terrible
le petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim
elle est terrible aussi la tête de l'homme
la tête de l'homme qui a faim
quand il se regarde à six heures du matin
dans la glace du grand magasin
une tête couleur de poussière
ce n'est pas sa tête pourtant qu'il regarde
dans la vitrine de chez Potin
il s'en fout de sa tête l'homme
il n'y pense pas
il songe
il imagine une autre tête
une tête de veau par exemple
avec une sauce de vinaigre
ou une tête de n'importe quoi qui se mange
et il remue doucement la mâchoire
doucement
et il grince des dents doucement
car le monde se paye sa tête
et il ne peut rien contre ce monde
et il compte sur ses doigts un deux trois
un deux trois
cela fait trois jours qu'il n'a pas mangé
et il a beau se répéter depuis trois jours
Ça ne peut pas durer
ça dure
trois jours
trois nuits
sans manger
et derrière ce vitres
ces pâtés ces bouteilles ces conserves
poissons morts protégés par les boîtes
boîtes protégées par les vitres
vitres protégées par les flics
flics protégés par la crainte
que de barricades pour six malheureuses sardines..
Un peu plus loin le bistrot
café-crème et croissants chauds
l'homme titube
et dans l'intérieur de sa tête
un brouillard de mots
un brouillard de mots
sardines à manger
oeuf dur café-crème
café arrosé rhum
café-crème
café-crème
café-crime arrosé sang !...
Un homme très estimé dans son quartier
a été égorgé en plein jour
l'assassin le vagabond lui a volé
deux francs
soit un café arrosé
zéro franc soixante-dix
deux tartines beurrées
et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon.

Jacques Prévert

Tard dans la vie : Pierre Reverdy (La liberté des mers)

Je suis dur
Je suis tendre
Et j'ai perdu mon temps
A rêver sans dormir
A dormir en marchant
Partout où j'ai passé
J'ai trouvé mon absence
Je ne suis nulle part
Excepté le néant
Mais je porte caché au plus haut des entrailles
A la place ou la foudre a frappé trop souvent
Un coeur ou chaque mot a laissé son entaille
Et d'où ma vie s'égoutte au moindre mouvement

 

Pour retrouver le monde et l'amour : Gaston Miron

Nous partirons de nuit pour l'aube des Mystères
et tu ne verras plus les maisons et les terres
et ne sachant plus rien des anciennes rancoeurs
des détresses d'hier, des jungles de la peur
tu sauras en chemin tout ce que je te donne
tu seras comme moi celle qui s'abandonne

Nous passerons très haut par-dessus les clameurs
et tu ne vivras plus de perfides rumeurs
or loin des profiteurs, des lieux de pestilence
tu entendras parler les mages du silence
alors tu connaîtras la musique à tes pas
et te revêtiront les neiges des sagas

Nous ne serons pas seuls à faire le voyage
d'autres nous croiserons parmi les paysages
comme nous, invités à ce jour qui naîtra
nous devons les chérir d'un amour jamais las
eux aussi, révoltés, vivant dans les savanes
répondent à l'appel secret des caravanes

Quand nous avancerons sur l'étale de mer
je te ferai goûter à la pulpe de l'air
puis nous libérerons nos joies de leur tourmente
de leur perte nos mains, nos regards de leurs pentes
des moissons de fruits mûrs pencheront dans ton coeur
dans ton corps s'épandront d'incessantes douceurs

Après le temps passé dans l'étrange et l'austère
on nous accueillera les bras dans la lumière
l'espace ayant livré des paumes du sommeil
la place des matins que nourrit le soleil
ô monde insoupçonné, uni, sans dissidence
te faisant échapper des cris d'incontinence

Nouvelle-née, amour, nous n'aurons pas trahi
nous aurons retrouvé les rites d'aujourd'hui
le bonheur à l'affût dans les jours inventaires
notre maison paisible et les toits de nos frères
le passé, le présent, qui ne se voudront plus
les ennemis dressés que nous aurions connus

 

Si..... Rudyard Kipling

Si tu peux rester calme alors que, sur ta route,
Un chacun perd la tête, et met le blâme en toi;
Si tu gardes confiance alors que chacun doute,
Mais sans leur en vouloir de leur manque de foi;
Si l'attente, pour toi, ne cause trop grand-peine:
Si, entendant mentir, toi-même tu ne mens,
Ou si, étant haï, tu ignores la haine,
Sans avoir l'air trop bon, ni parler trop sagement;

Si tu rêves, - sans faire des rêves ton pilastre;
Si tu penses, - sans faire de penser toute leçon;
Si tu sais rencontrer Triomphe ou bien Désastre,
Et traiter ces trompeurs de la même façon;
Si tu peux supporter tes vérités bien nettes
Tordues par les coquins pour mieux duper les sots,
Ou voir tout ce qui fut ton but brisé en miettes,
Et te baisser, pour prendre et trier les morceaux;

Si tu peux faire un tas de tous tes gains suprêmes
Et le risquer à pile ou face, - en un seul coup -
Et perdre - et repartir comme à tes débuts mêmes,
Sans murmurer un mot de ta perte au va-tout;
Si tu forces ton coeur, tes nerfs, et ton jarret
A servir à tes fins malgré leur abandon,
Et que tu tiennes bon quand tout vient à l'arrêt,
Hormis la Volonté qui ordonne : << Tiens bon ! >>

Si tu vas dans la foule sans orgueil à tout rompre,
Ou frayes avec les rois sans te croire un héros;
Si l'ami ni l'ennemi ne peuvent te corrompre;
Si tout homme, pour toi, compte, mais nul par trop;
Si tu sais bien remplir chaque minute implacable
De soixante secondes de chemins accomplis,
A toi sera la Terre et son bien délectable,
Et, - bien mieux - tu seras un Homme, mon fils.

Rudyard Kipling

 

Pour se prendre au piège : Paul Eluard

C'est un restaurant comme les autres. Faut-il croire que je ne ressemble à personne ? Une grande femme, à côté de moi, bat des oeufs avec ses doigts. Un voyageur pose ses vêtements sur une table et me tient tête. Il a tort, je ne connais aucun mystère, je ne sais même pas la signification du mot : mystère, je n'ai jamais rien cherché, rien trouvé, il a tort d'insister.
L'orage qui, par instants, sort de la brume me tourne les yeux et les épaules. L'espace a alors des portes et de fenêtres. Le voyageur me déclare que je ne suis plus le même. Plus le même ! Je ramasse les débris de toutes mes merveilles. C'est la grande femme qui m'a dit que ce sont des débris de merveilles, ces débris. Je les jette aux ruisseaux vivaces et pleins d'oiseaux. La mer, la calme mer est entre eux comme le ciel dans la lumière. Les couleurs aussi, si l'on me parle des couleurs, je ne regarde plus. Parlez-moi des formes, j'ai grand besoin d'inquétude.
Grande femme, parle-moi des formes, ou bien je m'endors et je mène la grande vie, les mains prises dans la tête et la tête dans la bouche, dans la bouche bien close, langage intérieur.

Paul Éluard (Mourir de ne pas mourir)

 

Demain : Robert DESNOS

Âgé de cent-mille ans, j'aurais encore la force
De t'attendre, o demain pressenti par l'espoir.
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses,
Peut gémir: neuf est le matin, neuf est le soir.

Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille,
Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu,
Nous parlons à voix basse et nous tendons l'oreille
A maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.

Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas c'est pour guetter l'aurore
Qui prouvera qu'enfin nous vivons au présent.

La galère
(extrait)

... J'ai dit à mon coeur désolé :
Quittons cette tour de démence,
Mêlons-nous à la vie immense,
Soyons, dans l'ère qui commence,
Parmi les moissonneurs du blé.
Il est d'autres deuils que les nôtres
Et le mot du problème humain,
Trop grand pour une seule main,
Est caché dans le coeur des autres.

 

L'amour


Passer ses jours à désirer,
Sans trop savoir ce qu'on désire ;
Au même instant rire et pleurer,
Sans raison de pleurer et sans raison de rire ;
Redouter le matin et le soir souhaiter
D'avoir toujours droit de se plaindre,
Craindre quand on doit se flatter,
Et se flatter quand on doit craindre ;
Adorer, haïr son tourment ;
À la fois s'effrayer, se jouer des entraves ;
Glisser légèrement sur les affaires graves,
Pour traiter un rien gravement,
Se montrer tour à tour dissimulé, sincère,
Timide, audacieux, crédule, méfiant ;
Trembler en tout sacrifiant,
De n'en point encore assez faire ;
Soupçonner les amis qu'on devrait estimer ;
Être le jour, la nuit, en guerre avec soi-même ;
Voilà ce qu'on se plaint de sentir quand on aime,
Et de ne plus sentir quand on cesse d'aimer.

 

Le dilemme

J’ai vu des barreaux
Je m’y suis heurté
C’était l’esprit pur.

J’ai vu des poireaux
Je les ai mangés
C’était la nature.

Pas plus avancé !
Toujours des barreaux
Toujours des poireaux !

Ah si je pouvais
Laisser les poireaux
Derrière les barreaux
La clé sous la porte
Et partir ailleurs
Parler d’autre chose !

Jean Tardieu

Credo
Je crois en l’homme cette ordure,
Je crois en l’homme ce fumier,
Ce sable mouvant, cette eau verte.

Je crois en l’homme ce tordu,
Cette vessie de vanité,
Je crois en l’homme cette pommade,
Ce grelot, cette plume au vent,
Ce boute-feu, ce fouille-merde,
Je crois en l’homme, ce lèche sang..

Malgré tout ce qu’il a pu faire
De mortel et d’irréparable
Je crois en lui
Pour la sûreté de sa main,
Pour son goût de la liberté,
Pour le jeu de sa fantaisie.

Pour son vertige devant l’étoile.
Je crois en lui
Pour le sel de son amitié.
Pour l’eau de ses yeux, pour son rire,
Pour son élan et ses faiblesses.

Je crois à tout jamais en lui
Pour une main qui s’est tendue
Pour un regard qui s’est offert.
Et puis surtout et avant tout
Pour le simple accueil d’un berger.

Lucien Jacques

La vie profonde


Être dans la nature ainsi qu'un arbre humain,
Étendre ses désirs comme un profond feuillage,
Et sentir, par la nuit paisible et par l'orage,
La sève universelle affluer dans ses mains !

Vivre, avoir les rayons du soleil sur la face,
Boire le sel ardent des embruns et des pleurs,
Et goûter chaudement la joie et la douleur
Qui font une buée humaine dans l'espace !

Sentir, dans son coeur vif, l'air, le feu et le sang
Tourbillonner ainsi que le vent sur la terre.
- S'élever au réel et pencher au mystère,
Être le jour qui monte et l'ombre qui descend.

Comme du pourpre soir aux couleurs de cerise,
Laisser du coeur vermeil couler la flamme et l'eau,
Et comme l'aube claire appuyée au coteau
Avoir l'âme qui rêve, au bord du monde assise...

 

 

CRIER


Ici l’action se simplifie
J’ai renversé le paysage inexplicable du mensonge
J’ai renversé les gestes sans lumière et les jours impuissants
J’ai par-dessus terre jeté les propos lus et entendus
Je me mets à crier
Chacun parlait trop bas et écrivait
Trop bas

J’ai reculé les limites du cri

L’action se simplifie

Car j’enlève à la mort cette vue sur la vie
Qui lui donnait sa place devant moi

D’un cri

Tant de choses ont disparu
Que rien jamais ne disparaîtra plus
De ce qui mérite de vivre

Je suis bien sûr maintenant que l’été
Chante sous les portes froides
Sous des armures opposées
Les saisons brûlent dans mon cœur
Les saisons les hommes leurs astres
Tout tremblants d’être si semblables

Et mon cri nu monte une marche
De l’immense escalier de joie

Et ce feu nu qui m’alourdit
Me rend ma force douce et dure

Ainsi voici mûrir un fruit
Brûlant de froid givré de sueur
Voici la place généreuse
Où ne dorment que les rêveurs
Le temps est beau crions plus fort
Pour que les rêveurs dorment mieux
Enveloppés dans des paroles
Qui font le beau temps dans mes yeux

Je suis bien sûr qu’à tout moment
Aïeul et fils de mes amours
De mon espoir
Le bonheur jaillit de mon cri

Pour la recherche la plus haute
Un cri dont le mien soit l’écho.


Paul Eluard (1940)


L'Avare qui a perdu son trésor


L'Usage seulement fait la possession.
Je demande à ces gens de qui la passion
Est d'entasser toujours, mettre somme sur somme,
Quel avantage ils ont que n'ait pas un autre homme.
Diogène là-bas est aussi riche qu'eux,
Et l'avare ici-haut comme lui vit en gueux.
L'homme au trésor caché qu'Esope nous propose,
Servira d'exemple à la chose.
Ce malheureux attendait
Pour jouir de son bien une seconde vie ;
Ne possédait pas l'or, mais l'or le possédait.
Il avait dans la terre une somme enfouie,
Son coeur avec, n'ayant autre déduit
Que d'y ruminer jour et nuit,
Et rendre sa chevance à lui-même sacrée.
Qu'il allât ou qu'il vînt, qu'il bût ou qu'il mangeât,
On l'eût pris de bien court, à moins qu'il ne songeât
A l'endroit où gisait cette somme enterrée.
Il y fit tant de tours qu'un Fossoyeur le vit,
Se douta du dépôt, l'enleva sans rien dire.
Notre Avare un beau jour ne trouva que le nid.
Voilà mon homme aux pleurs ; il gémit, il soupire.
Il se tourmente, il se déchire.
Un passant lui demande à quel sujet ses cris.
C'est mon trésor que l'on m'a pris.
- Votre trésor ? où pris ? - Tout joignant cette pierre.
- Eh ! sommes-nous en temps de guerre,
Pour l'apporter si loin ? N'eussiez-vous pas mieux fait
De le laisser chez vous en votre cabinet,
Que de le changer de demeure ?
Vous auriez pu sans peine y puiser à toute heure.
- A toute heure ? bons Dieux ! ne tient-il qu'à cela ?
L'argent vient-il comme il s'en va ?
Je n'y touchais jamais. - Dites-moi donc, de grâce,
Reprit l'autre, pourquoi vous vous affligez tant,
Puisque vous ne touchiez jamais à cet argent :
Mettez une pierre à la place,
Elle vous vaudra tout autant.

Jean de la Fontaine

 

J'aime l'araignée
J'aime l'araignée et j'aime l'ortie,
Parce qu'on les hait ;
Et que rien n'exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;

Parce qu'elles sont maudites, chétives,
Noirs êtres rampants ;
Parce qu'elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;

Parce qu'elles sont prises dans leur oeuvre ;
Ô sort ! fatals noeuds !
Parce que l'ortie est une couleuvre,
L'araignée un gueux;

Parce qu'elles ont l'ombre des abîmes,
Parce qu'on les fuit,
Parce qu'elles sont toutes deux victimes
De la sombre nuit...

Passants, faites grâce à la plante obscure,
Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal !

Il n'est rien qui n'ait sa mélancolie ;
Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu'on oublie
De les écraser,

Pour peu qu'on leur jette un oeil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !

Victor Hugo

 

 

Le grand combat


Il l’emparouille et l’endosque contre terre ;
Il le rague et le roupète jusqu’à son drâle ;
Il le pratèle et le libucque et lui baroufle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage rape à ri à ra
Enfin il l’écorcobalisse.

L’autre hésite, s’époudrine, se défaisse, se torse et se ruine.
C’en sera bientôt fini de lui ;
Il se reprise et s’emmargine….mais en vain
Le cerveau tombe qui a tant roulé.
Abrah !Abrah !Abrah !
Le pied a failli !
Le bras a cassé !
Le sang a coulé !
Fouille, fouille, fouille,
Dans la marmite de son ventre est un grand secret
Mégères alentour pleurez dans vos mouchoirs ;
On s’étonne, on s’étonne, on s’étonne
Et on vous regarde
On cherche aussi nous autres, le Grand Secret.

Henri Michaux

Sur la lyre tissant mes douces mélodies


Sur la lyre tissant mes douces mélodies,
Tantôt j'ai fait gronder un hymne à la vertu ;
Et tantôt, soupirant, mes lèvres moins hardies
Ont tout bas murmuré : " Printemps, que me veux-tu ? "

Restant toujours fidèle à l'essaim de mes rêves,
Jamais je n'ai maudit l'extase de l'amour,
Ni condamné ceux qui, dans des heures trop brèves,
Prononcent des serments qu'ils oublieront un jour.

Le nid

Arbres hospitaliers ! prêtez-leur vos ombrages ;
Sur eux avec amour penchez vos bras amis :
Non, par moi vos secrets ne seront point trahis.
Et seule, chaque jour, rêvant dans ces bocages,
Je viendrai visiter sous vos légers feuillages,
L'asile où j'ai compté quatre faibles petits.

Gueux
Un soir d'hiver, quand de partout,
Les corbeaux s'enfuient en déroute,
Dans un fossé de la grand'route,
Près d'une borne, n'importe où
Pleurant avec le vent qui blesse
Leurs petits corps chétifs et nus,
Pour souffrir des maux trop connus,
Les gueux naissent.

Pour narguer le destin cruel,
Le Dieu d'en haut qui les protège
En haut de leur berceau de neige
Accroche une étoile au ciel
Qui met en eux sa chaleur vive,
Et, comme les oiseaux des champs,
Mangeant le pain des bonnes gens
Les gueux vivent.

Puis vient l'âge où, sous les haillons,
Leur coeur bat et leur sang fermente,
Où dans leur pauvre âme souffrante,
L'amour tinte ses carillons
Et dit son éternel poème ;
Alors blonde fille et gars brun,
Pour endolir leur chagrin
Les gueux s'aiment !

Mais bientôt, et comme toujours,
- Que l'on soit riche ou misérable -
L'amour devient intolérable
Et même un poison à leurs jours,
Et sous tous leurs pas creuse un gouffre :
Alors, quand ils se sont quittés,
Pour les petits qui sont restés
Les gueux souffrent !

Et, quand le temps les a fait vieux,
Courbant le dos, baissant la tête
Sous le vent qui souffle en tempête,
Ils vont dormir un soir pluvieux,
Par les fossés où gît le Rêve,
Dans les gazons aux ors fanés,
Et - comme autrefois ils sont nés -
Les gueux crèvent !...

 

 

Hymne à la beauté Charles Baudelaire

Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme,
Ô Beauté ? ton regard infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l'on peut pour cela te comparer au vin.

Tu contiens dans ton oeil le couchant et l'aurore;
Tu répands des parfums comme un soir orageux;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l'enfant courageux.

Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien;
Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.

Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques;
De tes bijoux l'Horreur n'est pas le moins charmant,
Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.

L'éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !
L'amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l'air d'un moribond caressant son tombeau.

Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe,
Ô Beauté, monstre énorme, effrayant, ingénu!
Si ton oeil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porte
D'un Infini que j'aime et n'ai jamais connu ?

De Satan ou de Dieu, qu'importe ? Ange ou Sirène,
Qu'importe, si tu rends, - fée aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! -
L'univers moins hideux et les instants moins lourds.

Charles Baudelaire (extrait des Fleurs du Mal)

 

 

J'arrive où je suis étranger : Louis Aragon

Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger

Un jour tu passes la frontière
D'où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu'importe et qu'importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon

Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l'enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C'est le grand jour qui se fait vieux

Les arbres sont beaux en automne
Mais l'enfant qu'est-il devenu
Je me regarde et je m'étonne
De ce voyageur inconnu
De son visage et ses pieds nus

Peu a peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d'antan
Tomber la poussière du temps

C'est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C'est comme une eau froide qui monte
C'est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu'on corroie

C'est long d'être un homme une chose
C'est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux

O mer amère ô mer profonde
Quelle est l'heure de tes marées
Combien faut-il d'années-secondes
A l'homme pour l'homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées

Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger

Louis Aragon

 

 

La nécessité

Sans grande cérémonie à terre
Près de ceux qui gardent leur équilibre
Sur cette misère de tout repos
Tout près de la bonne voie
Dans la poussière du sérieux
J'établis les rapports entre l'homme et la femme
Entre les fontes du soleil et le sac à bourdons
Entre les grottes enchantées et l'avalanche
Entre les yeux cernés et le rire aux abois
Entre la merlette héraldique et l'étoile de l'ail
Entre le fil à plomb et le bruit du vent
Entre la fontaine aux fourmis et la culture des framboises
Entre le fer à cheval et le bout des doigts
Entre la calcédoine et l'hiver en épingles
Entre l'arbre à prunelles et le mimétisme constaté
Entre l'araucaria et la tête d'un nain
Entre les rails aux embrachements et la colombe rousse
Entre l'homme et la femme
Entre ma solitude et toi.

Paul Eluard